Première Campagne |
du 2 janvier au 5 avril 1754 |
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Mandrin a déclaré la guerre aux fermiers
généraux et à leurs agents, qui l'ont ruiné, qui ont tué son frère et qui pillent
les braves gens. Le 5 janvier, il pénètre en France suivi
d'une centaine d'hommes, avec armes et bagages et une quantité considérable de
marchandises de contrebande portées à dos de mulet. C'était surtout du "faux
tabac", ( tabac de contrebande ) et de l'excellente poudre de chasse. Pour les dames,
des indiennes, des mousselines brodées, des étoffes imprimées, des articles de Genève,
montres et bijouterie.
Les contrebandiers étaient tous armés d'un mousquet, de deux pistolets de ceinture, de
deux pistolets d'arçon et de deux pistolets de poche, chacun à deux coups, d'un couteau
de chasse. Ils étaient montés sur de petits chevaux robustes et agiles spécialement
élevés pour eux. Le 7 janvier, Mandrin dépose ses
marchandises au village de Curson près de Romans, à 15 lieues du bourg natal. C'est là que Mandrin
conquiert son fameux chapeau de brigadier en feutre noir, galonné d' or, saisi sur un des
gâpians (employés des Fermes) venus l'attaquer. Dans la nuit du 8 au 9
janvier, il arrive au Grand-Lemps.Attaque du
domicile du brigadier des Fermes nommé Dutriet. Le 10 janvier
au matin, Mandrin entre à la tête de ses hommes dans sa ville de Saint
Etienne de Saint-Geoirs. Il se rendit chez Louis Veyron-Churlet ( son oncle
maternel et parrain ) représentant des Fermes. Mandrin voulait tout l'argent que celui-ci
avait tiré des contribuables. Hélas les caisses étaient loin de contenir les 8000
livres réclamées. Après quelques jours, Veyron-Churlet envoya spontanément les 400
livres à Mandrin. Ce fût l'unique réquisition opérée par Mandrin dans son bourg
natal. C'est à cette époque que datent les premières poursuites contre Mandrin en tant
que contrebandier. Durant les mois qui suivent, il parcourt librement le Dauphiné, La
Bresse et le Bugey. Le 25 mars, il se présente aux portes du
château de Bounazel, dans les environs de Rodez. Il fit cadeau au châtelain d'un très beau couteau de
chasse et de "carottes de tabac suisse" aux domestiques. |
Deuxième Campagne |
du 6 juin au 9 juillet 1754 |
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Durant six semaines, Mandrin s'occupe, tantôt en
Suisse, tantôt en Savoie de compléter sa troupe et de se réapprovisionner en
marchandises de contrebande. Début juin, il entre en France par la Chartreuse.
On le signale bientôt sous les murs de Grenoble. Le 7
juin les "Mandrins" arrivent à Pont de
Claix. Ils passent le pont sur le Drac et attaquent le corps de garde des gâpians.
L'un d'eux tomba mort, plusieurs autres furent blessés. Les gâpians furent dépouillés
de leurs vêtements et de leurs armes. Les papiers et registres furent mis en pièces. Le 10
juin les "Mandrins" rencontrent entre Derbières
et Leyne (commune de Savasse), une brigade des employés de
la ferme de Taulignan. Mandrin conduit le feu. L'un des
employés est tué, trois autres grièvement blessé. Le lendemain, 11 juin,
Mandrin attablé au cabaret de Tioulle, sur la paroisse de Saint-Bauzille en Vivarais, fait fusiller un sergent recruteur du
régiment de Belzunce, qu'il croyait être un gâpian déguisé. Mandrin a la rapidité de
la lumière. Le voici en Rouergue, où il entre par la
vallée du Tarn. Il étale ses marchandises le 22 juin à Millau. Les contrebandiers y trouvèrent un accueil chaleureux. Le 23
juin, les "Mandrins" traversent Saint-Rome
du Tarn. L'un des contrebandiers poursuit un ivrogne qui l'avait insulté et tue
par malheur une femme enceinte. Cette assassinat est l'un de ceux qui ont été le plus
reprochés à Louis Mandrin. Le 24 Juin pour la fête de la
Saint Jean, Mandrin passe en revue sa troupe à Saint-Affrique,
devant la population qu'il avait rassemblée. Le lendemain, la troupe se met en route pour
Rodez, qu'elle atteindra le 30 juin
jour de grande foire. Le 1er juillet, les "Mandrins"
arrivèrent à Rignac qui devait être le point extrême de
cette deuxième campagne. Mandrin devait rentrer en Suisse pour y laisser reposer ses
hommes et ses chevaux, compléter sa troupe, se réapprovisionner et mettre en sûreté
l'argent qu'il avait amassé. Mandrin disloqua sa troupe et chacun de regagner la Savoie
en paisible voyageur, pour se retrouver à la date et à l' endroit préalablement fixés.
Pour couronner cette expédition, Mandrin tenait à venger la mort de son frère Pierre.
Il arriva donc seul le 9 juillet à Saint
Etienne de Saint Geoirs. Il exécuta de sang-froid Jacques Sigismond Moret ainsi
que sa fille âgée d'environ deux ans. Il prit la route de Grenoble,
d'où par la Chartreuse , il pénétra en Savoie, puis la Suisse. |
Troisième Campagne |
juillet - août 1754 |
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Fin juillet, à la tête de sa bande, Mandrin entra
brusquement en France par la Franche-Comté. Les brigades de Mouthe et de Chauneuve se
portèrent à sa rencontre. Les "employés" surpris par le feu nourri furent
décimés. Plusieurs furent tués, d'autres faits prisonniers et dépouillés de leurs
armes et habits. Mandrin prit ensuite la direction de Lyon en prenant garde d'éviter
celle-ci et se dirigea sur Saint-Chamond où il entra le 8
août. Il débita sa contrebande sur la place du marché. Il revint en
Savoie par la route, pressé de regagner la frontière. |
Quatrième Campagne |
du 20 août au 5 septembre 1754 |
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Les fermiers généraux commençaient à trouver que
l'aventure prenait une fâcheuse tournure. Les grenadiers du régiment de Piémont,
stationnés à Vienne, désertaient pour aller les rejoindre. Les volontaires des Flandres
passaient la frontière avec leurs chevaux. Le contrôleur général décida d'envoyer sur
la frontière de la Suisse et de la Savoie, des corps spéciaux semblables par certains
côtés aux contrebandiers, spécialement préparés à les combattre. Le peuple les
nommait "Les argoulets" . Ramassis de gens de toutes conditions, de toutes
nationalités, ils avaient combattu en Flandre et en Bohême. Le colonel Alexis Magallon
de La Morlière les commandait. En quelques semaines les argoulets se firent détester
dans le pays.Le 20 août Mandrin rentre en France par la Savoie,
coupant les cordons de troupes disposés pour lui fermer la route. Le 26 août
à l'aube, les "Mandrins" arrivent à Brioude.
Ils étaient très surexcités, harassés par la longueur et la rapidité de leur course
depuis la frontière. La maréchaussée est dépêchée pour arrêter les brigands. De
Riom, de Clermont et d'Issoire, les gendarmes accourent trois jours après le départ des
compagnons!
Mandrin divise sa troupe en deux corps à la sortie de Brioude.
L'un prit la direction de Massiac, l'autre, plus important,
dirigé par Mandrin lui-même, repassa par Saint Georges d'Aurac
en entra dans le Velay. Mandrin arriva à Craponne le 28
août. Le 29 août, trois escouades de Mandrins,
de trente cinq à trente six hommes chacune, entrent dans Montbrison
en Forez. Mandrin libère les détenus incarcérés pour désertion, pour
contrebande ou pour faux-saunage. Pour sortir de France, Mandrin fit un brusque détour
vers le nord. Le 1er septembre il est aux confins de la Bresse.
Le 2 septembre, les Mandrins traversent Pont
de Veyle. Le 5 septembre, au sortir de France, au Fort de Joux, sur la frontière suisse, une dernière salve tue un
gâpian et blesse plusieurs autres. |
Cinquième Campagne |
du 4 octobre au 29 octobre 1754 |
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Franchissant le Rhône au Pont de Grezin,
Mandrin rentre en France dans la nuit du 3 au 4 octobre 1754. Sa
troupe, renforcée par plusieurs contrebandiers qui agissaient d'une manière
indépendante, compte deux ou trois cents hommes, en comptant les valets qui conduisent 98
chevaux chargés de marchandises. Mandrin prend le chemin de Nantua.
Ni les trois compagnies établies dans la ville, ni les dispositions stratégiques
n'empêchent Mandrin de faire son entrée sur les onze heures du soir. Les mandrins
employèrent toute cette nuit à boire. Ils burent encore au village de Saint Martin du Frêne, puis à Pont de
Maillac. Il n'était pas encore jour quand, peu avant d'arriver à Cerdon en Bugey, les contrebandiers furent pris sous le feu de
gâpians embusqués. C'était la première fois qu'on osait attaquer Mandrin. Dans cette
affaire, un cheval fut tué et deux hommes blessés. Les Mandrins poursuivirent leur route
par Poncin et Neuville sur Ain.
Ils parurent devant Bourg le 5 octobre
1754, à 10 heures du matin. Leur arrivée fut si brusque, que le gouverneur n'eut pas le
temps de mettre en éveil l'imposant effectif de six à sept cents hommes dont il
disposait. Mandrin se rendit à la maison du directeur des Fermes. La cour de l'hôtel fut
envahie par les mulets chargés de tabac. Il y en avait pour 20 000 livres. Jean François
Joly de Fleury; intendant de justice, police et finances dans les provinces de Bourgogne,
Bresse et Bugey, qui était de précisément à Bourg, les fit compter par les soins du
receveur des tailles. Mandrin, a son habitude, libella une quittance. Le passage de
Mandrin à Bourg est un des faits intéressants de sa vie. Il avait particulièrement
séduit M. de Chossat, capitaine au régiment de Nice et M. de Saint André, ingénieur
des Ponts et Chaussées. Il leur avait découvert le fond de ses pensées. De ce moment,
Mandrin connut la gloire dans la presse. Il était le principal sujet des nouvellistes de
café.
En quittant Bourg, les Mandrins prirent la route de Lyon. Ils
entraient dans la partie marécageuse des Dombes. Le soir même 5 octobre,
ils arrivèrent à Saint Paul de Varax. Ils y passent la
nuit. Le lendemain matin, 6 octobre, ils prennent le chemin de Chatillon sur Chalaronne, puis Saint Trivier.
Le 7 octobre, les compagnons de Mandrin, atteignent le pont de Saint Romain des Iles, sur la Saône, hameau de Romanèche. et prennent gîte au village de Julie.
Le 8 octobre, les contrebandiers franchissent les crêtes qui
séparent le Beaujolais du Forez. La, ils se croient en sûreté, tant les populations
leur sont dévouées. Mandrin sectionne sa troupe en plusieurs divisions. A la tête de
150 hommes, il entre le 9 octobre dans Charlieu.
Il reçoit 4500 livres. Vers cinq heures du soir, Mandrin arrive à Roanne.
Il réclame 24 000 livres au receveur des gabelles. Il quitte la ville à six heures du
soir. Le 10 octobre, 120 dragons envoyés par l'intendant de
Lyon, arrivent à Roanne étonnés d'apprendre le départ des contrebandiers. Passage par Saint Just en Chevalet. Puis, le même jour les contrebandiers
arrivent à Thiers. Les mêmes scènes se renouvellent
(visite chez les receveurs des Fermes et chez les entreposeurs des Tabacs, déballage de
marchandises, visite des prisons). Le 12 octobre, ils entrent à
Ambert. Quelques contrebandiers s'emparèrent des serviteurs
de l'église. Ceux-ci, voulaient faire sonner le tocsin, conformément aux ordonnances
royales. Il était cinq heures du soir, lorsque la bande quitta Ambert
prenant la route de Marsac. Le 13 octobre,
les Mandrins arrivèrent à Arlanc "comme des lions
enragés" selon les dépositions des notables. Vers six heures du soir, ils quittent
la ville pour atteindre le même jour la Chaise Dieu où ils
règnent en maîtres jusqu'au lendemain vers deux heures de l'après midi. Sur la route du
Puy, entre Fix et Saint-Geneix, Mandrin fut attaqué par un détachement des hussards
de Lenoncourt. Les hussards furent mis en déroute et les contrebandiers entrèrent le 16
octobre en bon ordre dans la capitale du Velay. Le capitaine général des
Fermes, avait fait garnir d'hommes et de munitions la maison de l'entreposeur. Une
fusillade éclata lorsque Mandrin arriva en face de la maison. Un contrebandier fut tué
et plusieurs autres blessés. Mandrin lui même eut le bras gauche cassé. Mais c'est en
vain que les compagnons déchargent leurs armes. L'un des lieutenants de Mandrin eut
l'idée de grimper sur le toit d'une maison voisine avec une quinzaine d'hommes. Au prix
de nombreux blessés, le logis est enfin pris. La maison est saccagée de la cave au
grenier, le mobilier vendu aux enchères. Durant la nuit, les contrebandiers quittent la
ville pour Pradelles, où ils arrivent le 17
octobre. Ils obtiennent 2000 livres de l'entreposeur. Des sommes diverses
furent aussi extorquées aux entreposeurs de Langogne, de Tence en Vivarais, de Saint Didier de Seauve
et de Bonnet le Château. Les contrebandiers entrèrent dans Montbrison le 23 octobre, à onze heures
du matin. Mandrin allait trouver à Montbrison un receveur des Fermes qui devait être
homme à l'entendre et à lui tenir tête. Sur les 20 000 livres réclamées par
Mandrin, seulement 6000 furent payées. Il demanda de garder le secret de cette concession
vis à vis des ces hommes. Souffrant de sa blessure, Mandrin fut pansé par un chirurgien
que la femme du receveur des Fermes était allée chercher. Ce même jour, mercredi 23
octobre, les contrebandiers entrèrent à Boën sur
Lignon vers les sept heures du soir. Dans la nuit du 23 au 24 octobre à
Villemontais, la troupe se sépara en deux corps. Mandrin
ainsi que deux cents hommes entrèrent dans Cluny le 25
octobre.Bernard, dit la Tendresse, qui avait été blessé au Puy,
s'arrêta, épuisé par sa blessure. Le malheureux fut pris le 28. On lui fit son procès
et fut rompu vif. En quittant Cluny, la troupe traversa la
Saône le 26 octobre, en amont de Mâcon,
en prenant soin d'éviter la ville. Les contrebandiers arrivèrent le jour même à
Pont de Vaux. Ils se répandirent dans la ville, burent à
leur coutume et se gitèrent pour la nuit. Par Saint Trivier des
Courtes, ils arrivèrent à Saint Amour en Comté le 27
octobre Ils franchissent l'Ain à Pont de Poitte.
Puis apparait Clairvaux. Ils arrivent dans le Haut-Jura,
franchissent des cols et arrivent à La Chaux de Dombief,
traversent les Rousses et s'engagent dans le col de la Faucille. Le 28 octobre, la
Savoie et la Suisse apparaissent à leurs yeux.
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Sixième Campagne |
du 15 décembre au 26 décembre 1754 |
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Mandrin pénètre en Franche-Comté dans la nuit du 14
au 15 décembre, en contournant les Rousses,
où des gapians semblent l'attendre. Puis prenant par le nord, il s'engage à toute
vitesse dans la vallée de Joux . Les chevaux s'enfoncent
dans la neige jusqu'aux jarrets. Les margandiers vont vite et sont déjà devant Pontarlier, qu'ils laissent sur leur gauche. Les Mandrins
s'engagent ensuite dans la vallée de la Loue. Le 15
décembre au soir, ils couchent à trois lieues de
Besançon. Le duc de Randan mit en campagne 150 dragons de Beaufremont, 120
cavaliers d'Harcourt, 50 cavaliers de Fumel, 60 cavaliers de Moutiers, 100 carabiniers
et deux compagnies de grenadiers de Courten. Le commandement supérieur de ces
troupes fut attribué au marquis d'Espinchal. Le gouverneur de Lyon, mobilisait un
détachement des volontaires de Flandre et un corps de Dragons établi à Saint-Etienne.
En outre, il donnait ordre à Fischer, cantonné à Pont de Vaux, de se lancer avec ses
chasseurs dans un poursuite sans relâche. Enfin, du sud, partait un fort détachement de
volontaires de Flandre. Après un brusque crochet en Arbois, Mandrin arriva le 16
décembre dans la soirée, à Mont sous Vaudrey à quatre lieues de Dôle. Les
cavaliers d'Harcourt arrivent sur les lieux, sabre au clair. Avertis par leurs
sentinelles, les Mandrins tuent un soldat du roi et en blessent deux autres. Le 17
décembre, Mandrin entre dans Seurre sur la Saône,
vers les cinq heures du soir. Après avoir touché quatre mille livres en échange de
plusieurs ballots de marchandises, les Mandrins quittèrent Seurre
vers minuit pour trouver le coucher à Corberon. Le 18
décembre, entre onze heures et midi, ils arrivèrent à Beaune. N'admettant pas qu'on leur fit
l'injure de les recevoir au son du tocsin, avec des bourgeois en armes aux barrières, les
Mandrins tiraient indistinctement sur quiconque montrait un coin de son visage.Mandrin
obtint 20000 livres de Monsieur le Maire. A quatre heures moins le quart, le chef donna le
signal du départ, non sans avoir dédommagé les cabaretiers qui avaient
"traité" sa troupe. Sept heures seulement après que les Mandrins eurent
quitté Beaune, les troupes
royales se présentèrent devant les remparts. Les contrebandiers passèrent la nuit du 18
au 19 décembre à La Rochepot. Il se dirigèrent ensuite vers Autun. Là, ils prirent 37 séminaristes en otage et réclamèrent 25000
livres. Les représentants des Fermes, qui savaient les troupes du Roi à la poursuite de
Mandrin, entamèrent des négociations. Mandrin transigea pour neuf mille livres. Six
détenus furent libérés. Les Mandrins quittèrent Autun vers six heures du soir. Deux heures après le départ de Mandrin,
Fischer arriva avec ses troupes. Personne dans le pays ne consentait à servir de guide
contre Mandrin. Fischer était contraint de suivre les traces laissées par les chevaux
des contrebandiers sur les chemins enneigés. Après avoir marché toute la nuit,
ils parvinrent au village de Gueunand, où les contrebandiers passaient la nuit. A la pointe du jour; Fischer
envoya ses chasseurs soutenus par des dragons. Dans l'impossibilté de triompher de ces
troupes nombreuses, Mandrin choisit dix-huit hommes pour tenir tête aux soldats de
Fischer, tandis que le reste de sa troupe battait en retraite. Fischer perdit sept
grenadiers, cinq hussards, deux officiers et un maréchal des logis. Il eut cinquante sept
blessés. Les mandrins perdirent neuf compagnons brûlés, cinq autres furent faits
prisonniers. Mandrin avait perdu son fameux chapeau galonné d'or et fut atteint de deux
coups de fusil. Chacun dut rendre hommage à la valeur que les contrebandiers avaient
déployée dans ce combat contre des troupes d'élite. En se retirant devant des troupes
qui leur étaient trois ou quatre fois supérieur en nombre, les contrebandiers firent
dix-sept lieues dans la journée. Ils franchirent l'Arroux, la Loire et la Besbre.Mandrin,
atteint de deux balles, harcelé et poursuivi par des troupes légères, divisa sa troupe
en deux colonnes. L'une remonta la Loire, l'autre, avec Mandrin à sa tête se jeta dans
le Forez. Après l'épisode de Gueunand, les autorités craignent des représailles de la part de Mandrin. On le
voit partout. Le moindre colporteur est suspecté d'être un Mandrin. En Bourbonnais, en
Beaujolais, en Lyonnais, en Auvergne et en Forez, les circulaires des intendants stimulent
les officiers municipaux. Mandrin passe l'Arroux à La
Boulaye et la Loire à Saint-Aubin
ou il arrive le 21 décembre à
quatre heures du matin. Ici, pour la seconde fois, il divise sa troupe en deux tronçons
conservant le direction avec son lieutenant Joseph Bertier. Il
passe le jour même à Dompierre sur Besbre. Les contrebandiers s'en prennent à quatre cavaliers de la
maréchaussée. Le 22 décembre, avec ses 35 hommes, Mandrin
arrive au Breuil, près de La Palisse. Là, ils massacrèrent deux
gapians qui buvaient au cabaret et tuèrent deux autres dans un champ voisin. Ils
continuèrent leur chemin par Arfeuilles, Châtel-Montagne et Noirétable
où ils échappèrent de justesse aux troupes royales. Le même jour, 22
décembre, à Saint-Clément, ils assassinèrent un sabotier qui refusait de leur indiquer les maisons
des employés des fermes. Les Mandrins couchèrent dans la nuit du 23 au 24
décembre, à La Paterie commune de Marat.
En longeant les rives de la Dore, les Mandrins arrivèrent le 24 décembre
sur les dix heures du matin, en vue d'Ambert. Hommes et chevaux étaient très fatigués. Ils se reposèrent environ
deux heures avant d'entrer dans Marsac. Ils obligèrent un riche industriel de la ville, à leur fournir de
l'avoine pour leurs chevaux. Puis, la troupe reprit la route d'Arlanc qu'elle traversa au galop d'un trait.
Les troupes de Fischer les serraient toujours de près. Interrompant leur course, les
Mandrins firent une halte à La Chaise Dieu. Après quelques heures de repos, ils arrivèrent à Fix-Saint-Geneix. Les chasseurs de Fischer,
au nombre de cent cinquante à deux cents, ne les manquèrent que de trois heures à la Chaise Dieu. Les dragons de La Morlière
arrivaient du Puy en Velay. Du
Nord et du Sud, les contrebandiers allaient être pris comme dans un étau. Mandrin et ses
compagnons assistèrent à la seconde messe de la nuit à Fix
Saint Geneix. Ils y restèrent jusqu' à onze heures du
matin. Puis, accompagnés de guides, ils longèrent les bois de Vazeilles, de Ninirolles, de Saint Jean de Nay et arrivèrent jusqu'a Beyssac. Ils montèrent vers la Sauvetat, village écarté et dominant les hauteurs. Deux chemins y conduisaient.
Les contrebandiers prirent le plus mauvais. Ils arrivèrent à La Sauvetat en Velay vers cinq heures du
matin le jeudi 26 décembre. Or
le capitaine Diturbide-Larre et les cavaliers de La Morlière y étaient déja depuis une
heure. N'ayant trouvé aucun de ceux qu'il cherchait, et s'imaginant qu'il venait de
manquer à nouveau les Mandrins, le capitaine Diturbide avait ordonné de faire rentrer
les chevaux dans les écuries et autorisé ses hommes à aller boire dans les cabarets. Il
fait nuit noire et le froid d'une rigueur affreuse. Trois contrebandiers se présentent à
la porte d'une écurie et se font surprendre par une sentinelle. Dans l'obscurité,
Mandrins et Volontaires des Flandre se fusillent à bout portant. Épuisés et réduits à
une poignée d'hommes, les Mandrins ne pouvaient que battre en retraite. Ils
s'échappèrent par petits groupes dans des directions différentes. Ils trouvèrent asile
dans les forêts épaisses et profondes des environs. Ils avaient abandonnés leurs armes
apparentes. Ils étaient protégés par la sympathie du peuple qui favorisa partout leur
fuite. Mandrin chercha refuge dans le Vivarais. Il en connaissait les montagnes et le pays
était pour lui. Du Vivarais, il passa en Provence après avoir franchi le Rhône. Par le
Comté de Nice et le Col de Tende, il gagna le Piémont et revint en Savoie par Turin. Le
24 Janvier 1755 il était de retour à Carouge.
Cette sixième campagne avait mis le comble à la renommée de Mandrin. Durant les
six derniers jours qui précédaient les événements de La Sauvetat, Il avait franchi
plus de cent lieues avec ses compagnons, en plein hiver, dans des pays de montagnes aux
sentiers enneigés souvent dans l'obscurité de la nuit, dans le froid d'un hiver plus
rigoureux que celui de 1709 lui même. |
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Tiré de: Mandrin Capitaine Général des Contrebandiers.3ème Édition 1911
par Frantz Funck-Brentano .
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